Quand les mots font mal (blessure d'enfance)

Publié le par isa

Un jour, notre prof de français nous avait demandé de réaliser une rédaction sur un thème quelconque. Comme d’habitude, cela ne me pose pas vraiment de problèmes et comme mes camarades j’attends de recevoir ma note quelques jours plus tard. Le jour J arrive enfin (je n’ai jamais aimé attendre les notes, les bonnes comme les mauvaises) nous nous installons rapidement et presque en silence… bon faut pas exagérer, c’est le lundi matin il est 8 h30 et on a 12 ans alors notre notion du silence est relative. Le week-end end de Mlle T. n’a pas du être fameux car elle a l’air de faire la tête, en même temps elle n’est pas du genre joyeux lurons non plus, mais au moins elle fait semblant d’habitude. Elle sort les 32 copies de son sac et nous regarde, attendant qu’on daigne enfin se taire ce que nous finissons par faire. Elle commence sa distribution sans ordre particulier en donnant un chacun un petit commentaire plus ou mois acerbe selon le niveau du devoir. Mon tour arrive, j’ai 13 ce qui représente la 3ème meilleure note de la classe donc pour ma part je suis assez contente et voilà qu’elle me casse ma bonne humeur en me jetant à la figure « il y a suffisamment de mot dans le dictionnaire sans que tu ne sois obligée d’inventer des mots pour te rendre intéressante. Pour ta gouverne on dit violoniste et pas violoneux». A ce moment là le ciel m’est tombé sur la tête…me rendre intéressante moi, je ne comprends pas, je ne parle pas en classe sauf si on m’interroge et vraiment si personne n’est volontaire, j’ai à cette époque une peur panique de parler en public donc sans contrainte pas de prise de parole ni aucune participation. Et puis je ne vois pas quel mot j’ai pu inventer, des fautes d’orthographe oui bien sûr ça m’arrive mais inventer un mot…j’ai l’impression qu’elle m’a giflé en public, j’ai honte de ce que j’ai vécu comme un affront mais je n’ai pas le temps de m’attarder, le cours commence, je jette cependant un œil sur ma copie découvre le fameux « violoneux » à peine lisible tellement il est entouré de cercles rouges, Je ne comprends toujours pas, je suis certaine de l’avoir lu quelques jours plus tôt mais je n’ose pas affronter mon professeur…c’est forcément elle qui a raison. Pourtant, toute la journée je rumine en silence mais je ne dis rien. Le soir, une fois rentrée chez moi, toute la tension retenue s’est libérée dès que ma mère m’a demandé ma note. Me voyant fondre en larme, elle me demande de lui raconter et bien sur je m’exécute sans me faire prier. Je lui raconte ma honte et ma certitude que ce mot existe, enfin je peux exprimer ce que je n’ai pas osé dire ce matin. Dans un premier temps, maman me console, me donne mon goûter puis m’envoie faire mes devoirs. Mais un moment plus tard elle me rejoint dans ma chambre et me demande « tu es vraiment certaine d’avoir lu ce mot », je le lui confirme, ça m’est revenu c’est dans le Club des 5 et les gitans que j’ai terminé il y a ¾ jours. Alors elle me donne un conseil finalement tout simple mais qui m’a montré toute sa confiance en moi. Alors tu n’as qu’à prendre le dictionnaire et noter la définition de ton mot et tu le donneras à ton professeur à ton prochain cours. Autant l’idée de prouver à Mlle T et à la classe que je n’avais pas inventé de mot me convenait bien autant l’idée de « l’affronter » ne me plaisait pas du tout, personnellement je lui aurais volontiers glissé le papier sur son bureau discrètement, mais ma mère m’a convaincue d’assumer jusqu’au bout. Et c’est ce que j’ai fais 2 jours plus tard lors de notre cours suivant. Au début du cours je me suis approchée tremblante de son bureau, mon petit papier à la main, et quand elle m’a demandé ce que je voulais, je lui ai expliqué d’une toute petite voix que j’avais trouvé la définition du mot qu’elle disait que j’avais inventé et que je la lui avais apportée. Oh mon dieu sa tête. Un instant, j’ai cru qu’elle allait m’envoyer au diable et finalement elle m’a demandé de lui montrer mon mot puis en me remerciant m’a renvoyée à ma place. Après avoir obtenu le silence de tous, elle s’est adressée à la classe en me regardant, je ne savais plus ou me mettre mais sa réaction n’a pas été celle que je craignais au contraire. Elle a commencé en rappelant que lors du précédent cours elle m’avait dit qu’un des mots de ma rédaction n’existait pas et que j’avais eu le bon réflexe d’aller vérifier dans le dictionnaire et de rapporter la définition, elle a lu la définition à la classe et m’a félicitée de ma façon d’agir et a encouragé mes camarades à faire de même si dans son cours ou dans un autre on venait à rencontrer une situation similaire. C’est marrant, cette histoire a plus de 20  ans et bien qu’elle se soit bien terminée car la prof a bien réagit moi ce dont je me rappelle c’est mon sentiment de honte et mon désarroi tout au long de cette journée.

Publié dans Mes écrits

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L
Cette prof n'était pas complètement fermée puisqu'elle a reconnu son erreur.<br /> A-t'elle su que tu avais souffert?<br /> <br /> Elle a tort quand elle dit qu'il y assez de mots dans le dictionnaire.<br /> <br /> J'en trouve pas qui correspondent exactement à ce que je veux dire. Alors j'en invente s'il le faut.
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I
<br /> C'est vrai qu'elle a accepté qu'une môme lui montre qu'elle avait eut tort et l'a reconnu devant sa classe. J'ai toujours été consciente de ça mais je ne sais pas<br /> pourquoi c'est ce cercle rouge autour de mon violonneux qui reste à jamais gravé...<br /> <br /> <br />