Une histoire à transmettre

Publié le par isa / zabilou / zabou

49 - Début & Fin   (dans le cadre de la communauté Ecriture Ludique)

Là aussi vous connaissez, il vous faudra commencer et terminer votre article avec ces deux phrases extraites de "Cellulaire" de Stephen King

Début :
La civilisation sombra pour la seconde fois dans l'âge des ténèbres non seulement en s'accompagnant d'un bain de sang comme on pouvait s'y attendre, mais à une vitesse que même les plus pessimistes des futurologues n'avaient pu prévoir.

Fin :
Au moins, nous, on a fait quelque chose, avait dit Alice Maxwell.




La civilisation sombra pour la seconde fois dans l'âge des ténèbres non seulement en s'accompagnant d'un bain de sang comme on pouvait s'y attendre, mais à une vitesse que même les plus pessimistes des futurologues n'avaient pu prévoir.

 

C’est toujours ainsi qu’Alice Maxwell commençait son récit auprès des lycéens qu’elle venait rencontrer. Cette femme d’âge respectable s’est donnée pour mission depuis 10 ans de faire le tour des établissements scolaires et de leur faire partager son histoire, sa vie pendant la seconde guerre mondiale.

Son histoire c’est celle d’une femme anglaise engagée dans la Résistance à 18 ans. Alors en ce jour de mai 2000, elle raconte à ces élèves de première ce qu’était la Résistance, elle y ajoute quelques anecdotes. Mais elle tient surtout à ce que ces futurs adultes gardent  en mémoire le combat de ces hommes et femmes pour la plupart anonymes, pour défendre le pays dans lequel ils vivent maintenant. Elle n’a pas attendu les décisions politiques et la lecture de la Lettre d’un jeune résistant fusillé, Guy Môquet, pour insiter la jeune génération à un devoir de mémoire.  

Et pendant plusieurs heures, Alice raconte :

     « En ce milieu de 20ème Siècle, c’est la seconde fois que le monde tremble. La guerre divise à nouveau les nations et de part et d’autre des gens se battent contre l’ennemi.  Partout, la Résistance s’organise. Si les motivations des résistants sont diverses : refus de la défaite et de l'occupation allemande, refus du régime de Vichy et de la collaboration, refus de la répression et des mesures antisémites, volonté de combattre pour libérer la France, pour moi, c’est véritablement l’esprit patriotique qui a primé et le refus de l’envahisseur.

 Dès l'été 1940, les Anglais créent le SOE (Special Operation Executive), dont le but est d'affaiblir la position de l'Allemagne en Europe occupée. Les Américains leur emboîtent le pas. Les deux alliés parachutent des agents et des armes pour les autres réseaux : je suis de ceux là ., je me suis s'engagée volontairement à 29 ans dans un service secret anglais, la section française du Special Operations Executive, pour aller aider la résistance en France. Je fus parachutée dans l'Indre en septembre 1943. Après un travail clandestin qui dura jusqu'au débarquement, je   fondai et dirigeai un maquis de 1500 hommes

Mais ce n'est que progressivement que la Résistance en France s’est étoffée, notamment en 1943 avec la mise en place du STO et l’invasion de la zone Sud par les allemands. C’est à partir cette date que j'ai commencé à participer à des missions de plus grande envergure."

 

Alice debout devant une centaine d’adolescents s’arrête de parler. Elle les observe et repère vite quel type d’anecdotes elle peut raconter en fonction de son auditoire. Là elle le sent, elle ne devra pas rentrer dans les détails trop sanglants alors elle choisit un évènement de la fin de la guerre.

 

     «  Quelques jours après le jour J (le débarquement du 6 juin 44), un type est arrivé à bicyclette. Le gars posté en garde au bout du chemin, sur la route, l'a arrêté et il me l'a amené. Lorsque j'ai demandé au type d'où il venait avec son vélo, il m'a dit  de Paris. Je lui ai demandé s'il avait vu des barrages en cours de route et quand il m'a dit que non, ça m'a suffoquée. Ça voulait dire qu'aucun des réseaux qui se trouvaient entre Paris et les Souches n'avait obéi aux ordres de Londres, de barrer les routes. Nous étions les seuls à l'avoir fait, en coupant des arbres en travers de la départementale. Immédiatement, j'ai pensé « mon Dieu, on est tête de pont ! ». Ça n'a pas raté : deux ou trois jours après, on a été attaqués. Le  «Mouchard » avait repéré que nous avions abattu des arbres... (Les Allemands ont utilisé, pendant un certain temps, une espèce de petit avion appelé mouchard, pour observer le terrain quand ils le connaissaient mal, évidemment).
Ils avaient dû en conclure que nous étions nombreux à nous cacher dans le coin, dans les bois. Je n'ai jamais compris pourquoi nous étions les seuls à avoir obéi aux ordres. Quand les soldats allemands sont arrivés, les gars postés à l'entrée ont donné un faible coup de clairon,  c'était le signal, en cas de danger. Je suis la seule à l’avoir entendu et ma première réflexion a été que nous ne pouvions pas être attaqué un dimanche … c'est complètement idiot, ça, comme réflexion! L'abbé Paluche était en train de dire la messe, à côté, au château. Avec M. Carassin, on a essayé de voir qui approchait, mais c'était loin, on voyait mal... J'ai eu une idée : « on va tirer un coup de feu en l'air : on va savoir tout de suite si c'est des Allemands ou des maquisards ». On l'a tout de suite su !
Je me suis habillée en quatrième vitesse, j'ai pris mon sac et la boîte de cacao où il y avait l'argent. Pendant que je descendais du grenier, les balles allemandes me sifflaient aux oreilles. En bas, j'ai sauté sur mon vélo et je me suis dirigée vers les dépendances du château où était stockées les armes que nous venions de recevoir, je me suis empressée de mettre les balles dans les chargeurs et les détonateurs dans les grenades.
Un des gars est venu me dire de partir au plus vite : les Allemands approchaient ! Ils avaient quitté les camions et ils avançaient en tirailleurs le long de la plaine, en direction du château. J'ai tout plaqué. Je suis partie, à pied, vers la ferme de la Braquière qui se trouvait à un kilomètre du château. Paul (un autre maquisard) qui se cachait, a vu arriver deux Allemands par un chemin. Il a tiré. Il en a tué un et s’est fait abattre par l’autre. Je ne voulais pas être prise dans une maison. Je me suis enfuie dans le champ de blé. Juste après, j'ai vu les flammes jaillir de la grange. Les Allemands y avaient mis le feu, en représailles. Je me suis éloignée, craignant que le feu n’atteigne le champ. J'espérais rejoindre le petit bois. C'est là qu'ils m'ont vue et qu'ils m'ont tiré dessus, mais sans m'atteindre. J'avançais dans le champ à quatre pattes, en progressant un peu chaque fois que des souffles de vent faisaient bouger les épis. J'avais un revolver sur moi mais j'ai pensé que si j'étais prise, il valait mieux que je ne sois pas armée, alors je l'ai enterré. Pendant toute la journée, je suis restée cachée. Je ne pouvais pas en sortir, parce qu'il y avait sans arrêt des aller et venues de camions allemands. De plus, le terrain était à découvert. A un moment, le «mouchard » est passé : en l'entendant arriver, je me suis recroquevillée, en espérant être prise pour une espèce de paquet...
Vers 22h 30, toujours allongée dans le champ, je n'entendais plus les camions. J'ai sorti la tête et j'ai aperçu la fermière en train d'éteindre le feu. Je me suis levée et j'ai fait un signe de la main, mais Mme Carassin et sa fille ont eu tellement peur, en apercevant quelqu'un à l'autre bout du champ, qu'elles sont rentrées dans la maison ! Je les ai rejointes. Elles n'avaient plus rien à me donner à manger parce que toute la journée, elles avaient du nourrir les Allemands. Elle m'a quand même trouvé deux œufs. Je les ai mangés, puis je suis partie rejoindre un autre groupe. Ce jour là, je suis passée très près de la mort. Cette bataille n'était pas une escarmouche, mais une attaque préparée par les Allemands contre ce qu'ils croyaient être un grand rassemblement de maquisards. Plus tard, j'ai appris que nous avions été attaqués, ce jour-là, par des troupes de trois garnisons allemandes qui avaient encerclé tout le secteur. Ce que nous avons vécu, nous, ce n'était qu'un petit épisode de cette bataille. 32 Français y ont laissé la vie.»

« La Résistance ce sont des milliers d’actes de bravoures perpétrés par des gens ordinaires, organisés en groupe ou isolés mais qui tous avaient un but : offrir à leurs enfants un Pays sur ou la liberté n’était pas un vain mot ».

 

A nouveau, Alice contempla les visages des élèves. Elle ne leur avait pas dit le quart de ce qu’elle avait vécu durant ces années et pourtant elle lisait en eux une gravité qui n’y était pas quelques heures plus tôt.

Elle terminait chaque fois de la même manière avant de répondre aux nombreuses questions.

 

« Après guerre, le général Eisenhower qualifie à plusieurs reprises d'"inestimable" le rôle des résistants Alice elle fut plus laconique : Au moins, nous, on a fait quelque chose, avait dit Alice Maxwell. »

Publié dans Excercices d'écriture

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F
un texte interpellant surtout quand on voit la violence et l'extremisme qui menent le monde<br /> big bisous
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I
<br /> Merci de tes différents commentaires toujours très gentils. Merci de tes visites<br /> <br /> <br />
J
Récit hélas, ordinaire, pour cette période évoquée, j'ai été largement nourrie de faits similaires par mon maquisard de père!
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I
<br /> exact, la guerre et ses récits par les rescapés de ces périodes. Quelle que soit la guerre, le résultat est le même<br /> <br /> <br />
J
MERVEILLEUX VOTRE BLOG... Tellement divercifié, intéressant... Bravo ! Je reviendrais. M e r c i
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I
<br /> Merci à toi pour ton enthousiasme. A bientôt<br /> <br /> <br />