Les ailes rouges de la guerre

Publié le par isa

47 -  Titres de recueil et titres de poèmes d'Emile Verhaeren  : Exercice sur le même principe que celui des titres de chanson d'Hubert-Félix Thiefaine et celui des chansons d'Indochine.
Sur cette liste de 20 titres je vous propose d'en utiliser au moins 15.

- les ailes rouges de la guerre
- la multiple splendeur
- les blés mouvants
- Toute la Flandre
- Les heures d'après midi
- Les visages de la vie
- Les villes tentaculaires
- Les soirs
- Les flammes hautes
- Les bords de route
- les moines
- Les vignes de ma muraille
- Les campagnes hallucinées
- Les débâcles
- Les 12 mois
- Les flambeaux noirs
- Les villages illusoires
- Les apparus dans mes chemins
- Les forces tumultueuses
- Les heures claires






Automne 1943, j’ai 10 ans.



Depuis 18 mois les Boches comme on les appelle ici, sèment la terreur dans toute la Flandre comme dans toute la France.

A quelques kilomètres de la ferme de mes grands parents, ils ont expulsés les moines de leur abbaye pour s’y installer et obligent de pauvres bougres à travailler pour leur compte. C’est ainsi que l’on peut voir creuser des heures durant des jeunes de l’âge de mon frère Paul qui a 14 ans, comme des vieux de l’âge de mon père ou de mon grand père. Des heures claires des matins frileux aux soirs ou dans les blés mouvants se propagent les flammes hautes du rougeoyant soleil couchant, lorsque le temps est clair, ils creusent, détruisent ou bâtissent sous les ordres de grands couillons en uniformes qui se croient plus forts que les autres parce qu’ils sont en groupes et armés.

 

Depuis que je suis arrivé ici, chez mes grands parents, mis à l’abri des horreurs de la guerre dans le Paris occupé, par mes parents inquiets, j’ai découvert une vie de campagnard moi le petit citadin, et malgré l’environnement peu propice à la joie, moi petit garçon rieur j’ai décidé de vivre coûte que coûte dans une certaine insouciance. J’ai vu beaucoup de choses que je n’aurais jamais du voir c’est vrai et ces choses m’ont marquées à jamais, mais j’ai aussi vécu mille et une vies dans les villes tentaculaires que représentaient pour mes camarades et moi-même les villages désertés, les forêts, et même les champs.

 

Un jour au cours d’une partie de cache cache âprement disputée avec les fils des voisins Adrien, Valentin et Jacques, je suis entré dans une vieille grange abandonnée et en cherchant à me camoufler dans une vieille malle j’ai découvert qu’elle avait un double fond et que ce dernier cachait l’entrée d’un souterrain. J’ai appelé mes copains et nous avons décidé de partir à l’aventure sans aucune notion du danger. Sous terre de nombreuses galeries avaient été creusées et nous les avons explorées de fond en comble ce jour là et les jours qui suivirent, nous avons baptisé notre ensemble de cachettes les « villages illusoires » après avoir entendu des femmes utiliser ce mot dont nous ne comprenions même pas le sens mais qui sonnait bien à nos oreilles de marmots.   

Dans les heures d’après midi d’un solitaire jour pluvieux j’ai décidé d’explorer à fond une des galeries des labyrinthes souterrains. Après un long moment d’errance dans ce dédale j’ai aperçu une légère clarté que j’ai bien sûr suivie … Au bout de ce chemin, j’ai gratté le dessus du mur qui était recouvert de mousses et d’herbes et j’ai fini par faire un trou assez grand pour passer. C’est ce jour là que malgré mes belles idées j’ai perdu à jamais mon innocence. Derrière les vignes de ma muraille, sur les bords de route, j’ai été témoin de l’impensable : Des hommes armés, alignés debout, derrière des hommes à genoux mains derrière la tête, face à une énorme tranchée qu’ils ont eux même creusé. Le long de ce trou béant face aux hommes à terre les flambeaux noirs soulignent pour la dernière fois les visages de la vie de ces innocents. Certains pleurent doucement, d’autres relèvent la tête fièrement comme un ultime défi à leurs bourreaux, mais la multiple splendeur de ces hommes qui se savaient condamnés n’a d’égal que l’horreur de cet ordre qui résonne encore : TIREZ et la cacophonie qui s’en est suivi. Cela n’a duré que quelques minutes mais ce furent les plus longues de ma vie.

Plus jamais je n’ai remis les pieds dans les souterrains, plus jamais je ne suis sorti sans un adulte à mes côtés.

 

Les douze mois passés ici dans les campagnes hallucinées de la Flandre de mes aïeux resteront à jamais gravés en moi car elles sont pour moi le reflet des forces tumultueuses qui animent les hommes et les femmes en période de crise. Si on a parlé des débâcles allemandes, quelques temps plus tard, je ne crois pas que l’on puisse parler de victoire dans un camp comme dans l’autre car les morts ne gagnent jamais et les médaillés à titre posthume ne profiteront jamais de cette reconnaissance tardive.

Depuis ce jour les apparus de mon chemin me hantent…j’imagine ce qu’aurait été leur vie dans un autre contexte, je pense à leurs familles meurtries à tout jamais qui vivent dans la douleur et le souvenir pour toujours.

                                                                           

Publié dans Excercices d'écriture

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C
Très beau texte poignant,j'avais l'impression de suivre l'enfant et de voir avec ses yeux au fil de tes mots.<br /> L'exercice n'était pourtant pas facile.
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I
<br /> <br /> c'est marrant ce que tu dis là parce qu'en fait je ne partais pas du tout avec d'idées sur ce texte et c'est au fur et à mesure que je me suis imaginée gamine dans<br /> une situation similaire et que les mots sont venus <br /> <br /> <br /> <br />
J
Encore une évocation de cette période si dure que nombre des nôtres ont vécu et sur laquelle ils ont dû reconstruire...Beau travail d'écriture.
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I
<br /> et oui 2 textes sur une période que je n'ai pas connu et dont on m'a finallement peu parlé<br /> <br /> <br />
A
Pas super facile de faire ce genre d'exercice !<br /> C'est joli !
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I
<br /> Effectivement ça n'est pas toujours facile mais c'est un bon stimulant à l'imagination...ça oriente les textes. Et en plus c'est très interessant de voir ce que<br /> d'autres ont fait avec les mêmes mots, c'est parfois très surprenant l'angle pris par certains<br /> <br /> <br />
A
Il est très beau ton texte empli d'humanité et d'hommages pour les victimes de guerres d'hier mais d'aujourd'hui dans d'autres pays
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I
<br /> <br /> Contente que ce soi ce type de message que t'inspire mon texte<br /> <br /> <br /> <br />
B
chapeau bas, Isa, pour ce beau texte et magnifique hommage à tous ces innocents des guerres. <br /> Merci pour ta gentille visite chez moi.
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I
<br /> merci pour ton com, et à bientôt sur ton blog j'y retournerais faire des petites visites<br /> <br /> <br />